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Le Bull
Gamma 60 de la Régie des Télégraphes et Téléphones
Le Gamma 60 de Bull était un grand ensemble de gestion à cartes et bandes magnétiques, remarquable pour l'époque. Le premier de cette taille conçu sur le continent européen, comme vu à la page précédente.

Le texte qui suit relate les souvenirs que des anciens du personnel de Bull en Belgique en ont gardé.

L’histoire du Gamma 60 de Bull à
 la Régie des Télégraphes et Téléphones (R.T.T.).

 

 

Avant la signature du Gamma 60.

 

Fin des années 50, Messieurs Regout, Directeur Commercial de la Société Belge des Machines Bull (S.B.M.B.), et Victor Van Hoof, son Directeur Technique, avaient invité le responsable de la mécanographie de la RTT , Monsieur Sergeant, à visiter divers clients Bull en Belgique.

Ces visites avaient décidé Mr Sergeant à proposer les machines à cartes perforées Bull en remplacement de tout le matériel IBM en place, ceci pour traiter la facturation des communications, centralisées au siège RTT de Bruxelles. (entre les rues Lebeau et de la Paille, près de la place du Sablon).

Ainsi furent installés 5 tabulatrices, 3 reproductrices de cartes (PRD) connectées à deux calculateurs (ADS), 14 interclasseuses, 3 ou 4 trieuses et un nombre important de poinçonneuses de cartes (Peler), dont certaines étaient reliées à des lecteurs de bandes perforées (BLR). Ces bandes perforées reprenaient les coordonnées de chaque communication téléphonique locale ou internationale[1]. Elles étaient produites par les centraux téléphoniques de la régie pouer ce qui concernait les communications internationales.
L'application principale consistait à établir les factures détaillées des abonnés à partir des données "communications" fournies par les bandes perforées ou les cartes perforées et le fichier carte clients.

La reprise des applications se passa bien, la vitesse d’exécution du matériel Bull par rapport à son concurrent était ici pleinement exploitée. Mais il fallut du temps pour que les responsables de l’exploitation acceptent le départ de leur ancien fournisseur, IBM.
Finalement, Messieurs Prignon et Fouillot (chargé de l’exploitation) furent convaincus, Monsieur Vande Casteele (chargé de la coordination) resta longtemps fort attaché à IBM, mais finit par bien s’entendre avec le commercial Bull.

 

La signature du Gamma 60 et ses suites.

 

Dès le milieu des années 1950, le trafic téléphonique augmentait de telle manière que la Régie ressentait la nécessité de passer de la mécanographie à cartes perforées à l’informatique, alors naissante.
Monsieur Sergeant émit un appel d’offres courant 1958. Il s’agissait de pouvoir gérer la facturation de toutes les communications téléphoniques et télégraphiques de Belgique.

Il faut rappeler ici le contexte : 1958 est l’année de l’exposition internationale de Bruxelles, marquée par l’enthousiasme pour les technologies nouvelles, dont les télécommunications et les premiers ordinateurs. Spoutnik , lancé en 1957, tournait autour de la terre !

Bull répondit à l’appel d’offres avec son très grand ordinateur Gamma 60, encore en développement, et emporta le morceau après une âpre compétition contre I.B.M. Le contrat de vente fut signé en décembre 1958.

L’artisan de ce contrat était Alex Hanuse, Directeur Commercial. Hugues Regout, devenu Directeur Général, avait aussi joué un très grand rôle, et ses excellentes relations avec divers membres de la direction de la Régie se révéleront bien utiles après la signature.

Monsieur Christian Blondeau fut chargé de la gestion commerciale du compte RTT et le resta jusqu’à la fin du contrat.

 

La RTT avait signé le contrat avec une date ferme de mise à disposition de l’engin : courant 1960.

La date de mise à disposition approchant, d’insurmontables difficultés de tous ordres se firent jour à la Cie des Machines Bull, dans le cadre de la production et de la mise au point de leur nouveau et très innovant Gamma 60.  L’ordinateur arriva finalement en Belgique avec un an de retard et en éléments détachés, directement issus de l’usine. Des gens venus de Bull en France durent procéder à un assemblage et à tous les tests de vérification sur place. (Voir interview de F. Thys plus loin). De plus, le logiciel de base était celui taillé sur mesures pour la SNCF, déjà livrée, et il fallait l'adapter.

 

La Gestion Générale de la machine, la « GGZ » (Gestion Générale Zéro, on dirait aujourd’hui BIOS version 0) était encore pleine de lacunes.

De plus des programmes utilitaires de base manquaient, dont le tri et des outils de reprise. Cela rendait la mise à disposition du système impossible à la date voulue.

 

 Les équipes composées de techniciens belges et français menèrent un travail intense, de jour comme de nuit, pour pallier aux insuffisances du système livré. Messieurs Regout et Blondeau durent déployer des trésors de patience et d'ingéniosité pour faire patienter leur client.

Chose qui m'a été révélée bien plus tard par un des fils de Monsieur H. Regout : durant cette période critique, très fréquemment celui-ci se levait la nuit pour simplement aller encourager les équipes de nuit et s'assurer de leurs besoins éventuels.

Gros problème: le matériel classique en place ne suffisait déjà plus à répondre à l’augmentation des volumes à traiter[2], et, de plus, la place prise par l’atelier mécanographique de la RTT avait été dévolue à un autre service. Il manquait donc des locaux chez le client, deux étages étant déjà réservés au Gamma 60 : un étage pour le système et une partie importante de la cave pour la climatisation.

 

Averti de la situation, IBM se voyait déjà revenir en force chez son ex-client avec son 1401.

Pour Bull, second constructeur sur la place, un échec à la RTT revenait à une grave perte de crédibilité sur les marchés publics belges, d’autant que la RTT était son plus grand client en Belgique.

 

Alors Alex Hanuse, avec la bénédiction de H. Regout et de Bull à Paris, loua un entrepôt rue de l’Abattoir, porte d’Anderlecht.

Une grande partie du matériel de l’atelier mécanographique du client y fut transféré en un week-end. Du matériel à carte perforée complémentaire fut amené sur place. Parallèlement, un vaste plan d’embauche d’opérateurs fut réalisé.

Il fallait des hommes prêts à travailler de jour comme de nuit en manipulant des centaines de kilo de cartes perforées par jour, comme l’exigeait la mécanographie de l’époque.

 

Un remarquable chef d’atelier venu de Paris , Monsieur Cahour, forma et dirigea tout ce monde (entre 30 et 40 personnes).

A la date fatidique, cet atelier se mit en route et réalisa pendant plusieurs mois les travaux initialement dévolus au Gamma 60. Cet atelier mécanographique géant fut prénommé « l’Abattoir », car situé rue de l'Abattoir à Anderlecht.

Il faudra au total près de deux ans après la livraison, et la présence de près de 18 techniciens belges et français pour que le Gamma 60 de la RTT devienne parfaitement opérationnel !

 

Cependant, c'est en juin 1961 qu'eut lieu l’inauguration officielle du Gamma 60. " En présence de Mr Delisée (devenu Directeur de l’Information à RTT en place de Sergeant, promu Directeur Financier), Prignon, Alex Hanuse, Christian Blondeau le commercial en charge, Adrien Lhomme, son adjoint et d’autres, qui recevaient « Monsieur Busieau Ministre des Postes Télégraphes et Téléphones, Monsieur De Meester, Directeur Général de la Régie, et son Excellence Monsieur Bousquet, ambassadeur de France » (extrait Rapport du Conseil d’Administration de la Compagnie des Machines Bull à l’Assemblée Générale des Actionnaires pour l’exercice 1961).

 

Pendant l’installation du Gamma 60, l’atelier de poinçonneuses de cartes, avec les connexions « BLR » pour lecture de bande perforée n’avait pas quitté les locaux de RTT. Mais il constituait un sérieux bouchon si l’on voulait accélérer la procédure de traitement. La Régie émit un appel d’offres de solutions, appel qui trouva réponse chez un génial sous-traitant : pour les communication locales, il proposa de supprimer la bande perforée et de photographier chaque compteur au moment de son incrémentation. La sorte de film ainsi produit défilait ensuite sur un écran devant la dame perforatrice de cartes. Ce processus fonctionna avec succès et fut conservé longtemps après que le Gamma fut installé. Celui-ci reprit progressivement la lecture des bandes perforées issues du trafic international, puis national.

Signalons cependant que pendant plusieurs années, un magnéto lecteur connecté à une perforatrice-duplicatrice permit de traiter des relevés manuels venus de certains centraux non automatiques.

 

La configuration en place en 1963 comprenait :

-         le système central avec 4 blocs mémoire à tores de mots de 24 bits et, comme tous les G 60, le calculateur arithmétique, le calculateur logique, le comparateur, le traducteur de codes, un tambour magnétique, le pupitre de commande équipé d’une machine à écrire Remington, laquelle faisait de son mieux car elle n’avait guère été conçue pour ce genre de travail.

-         la périphérie : 3 lecteurs de bande perforée 5 canaux à 400 codes par seconde (origine Ferranti), 6 imprimantes 300 lpm avec option double entraînement de papier, 2 lecteurs de cartes à 300 cartes/minute, 18 dérouleurs de bande magnétique à 22,5 Kc commandés par 3 unisélecteurs[3]. Cette configuration fut étendue à 5 unisélecteurs et 23 dérouleurs.[4].
Ces dérouleurs étaient programmables pour lire une bande magnétique dans les deux sens.

 

Le Le plan d'installation du Gamma à la RTT 60 fut un modèle pratiquement unique au monde à cette époque:

Le système était partagé en trois salles séparées.
Dans la première salle étaient réunis tous les systèmes électroniques de contrôle, de calcul et de mémoire.
Il y régnait une température de 18 à 19 degrés, comme l'exigeaient les si sensibles composants électroniques de l'époque.
Cette salle n'était normalement accessible qu'au personnel technique de Bull.
Dans la seconde salle se trouvaient le pupitre de contrôle et face à lui les18 puis 24 dérouleurs de bande magnétique. Sur le côté des rangements pour les bobines relatives aux traitements en cours. La température de cette salle était réglée entre 19 et 21 degrés maximum. La salle était particulièrement protégée contre l'arrivée de poussières, grands ennemis des supports magnétiques.
La troisième salle enfin, était réservée aux périphériques "papier" : lecteurs de bandes perforées et les 6 imprimantes
Le tout était supporté par un faux-plancher se 30 cm de haut, destiné à faire passer les câbles système et les câbles alimentation électrique.


Une maquette, reproduisant fidèlement cette installation, a été réalisée en 2017 par François Thijs. Elle est visible au Computer Museum NAM-IP, à Namur.

 

4-        Il y avait aussi une gigantesque installation de climatisation en place à l'étage inférieur qui assurait les températures exigées 18°, avec moins de un degré d’écart!
Le débit d’air du conditionnement était de l’ordre de 36.000 l/h.

     La puissance installée pour l'alternateur était de près de 400 KVA.

 

A noter des contributions importantes à la réussite de ce grand projet :

 

Comme chefs de projet, les français Ralf Setton et Antoine Faure prirent l’affaire en main jusqu’à ce que Christian Blondeau puisse leur succéder.


La formation des techniciens Bull Belgique devait se faire à Paris et durait un an. Durant ce temps, une équipe de techniciens français opérait sur le site RTT, elle était sous la direction des ingénieurs français Duval et Hardy.
Michel Morice fut envoyé à Bruxelles. Ce génie de la programmation réalisa de nombreux programmes de service, dont la gestion des bandes perforées et des imprimantes.

Pour réaliser les factures, chaque imprimante fonctionnait en double entraînement. A chaque entraînement était relié un fichier sur bande magnétique. Ce système permettait d’imprimer à la vitesse effective de 600 lignes par minute et par imprimante, une performance pour l’époque.

Christian Leroy passa un long séjour à Bruxelles pour la formation du personnel local.

A noter aussi que Bull Belgique avait envoyé à Paris, en formation, l’ingénieur belge Maréchal, destiné à remplacer Mr Duval. Mais au retour, il s’avéra que l’entente entre les deux hommes était impossible ! Maréchal dut quitter Bull, et c’est encore un français, Berthemin, qui devint chef de l’équipe technique, jusqu’au moment où François Thijs, technicien belge déjà présent sur le site, put lui succéder. Ce dernier resta à la direction de l'équipe technique jusqu'à la fin du système, en 1974.

 

La fonction de pupitreur, alors essentielle, fut exercée par Messieurs Bascou et Mike Morice, avant de passer le relais aux "bullistes" belges Robert Spinette, Georges Verbruggen et Van de Vijver.

 

L’équipe de la RTT ne fut pas en reste. Elle se chargea de la programmation de la plus grosse partie des applications client.

 

De plus, la RTT embaucha un certain Maupertuis qui se révélera être un « homme système » tout à fait remarquable. Après quelques années, il finit par être probablement un des plus grand spécialiste européen du « GGU » (Gestion Générale Universelle, la version définitive du système d’exploitation). Des gens de RTT reprirent la fonction de pupitreur

 

Toutes ces personnes de Bull et de son client durent fournir un travail intense pour réaliser un objectif ambitieux, la plus grande installation informatique en ce temps en  Belgique. La Société Générale s'équipa à la même période d'un puissant système IBM 1401, mais qui n'atteignait pas la puissance de production du Gamma 60 de la Régie.

 

Propos recueillis par Gilbert Natan auprès de François Thys, en aout 2016

"Nous avions en effet reçu le Gamma 60 à la RTT, avec plus d'un an de retard.
Il était dans un état "brut de montage", c'est à dire sans qu'aucun test n'ait été effectué sur aucun des composants de la machine.

Pour toutes les unités logiques, nous avions du tester les liaisons, registre par registre, avec  l'aide d'un simulateur qui envoyait les impulsions voulues à un régistre qui lui était connecté. On connectait la partie "mesure" du simulateur au régistre suivant et l'appareil permettait de voir si tous les bits étaient bien transmis du premier registre vers le second. Dans de nombreux cas, on a du intervenir pour corriger un câblage erroné.

Certaines particularités dans la conception du système posèrent des difficultés.
Ainsi par exemple, une tête de lecture/écriture d'un dérouleur de bande magnétique était reliée à son système de contrôle éloigné de quelques dizaines de mètres, sans amplification intermédiaire ! Donc un courant de très faible amplitude devait parcourir la distance sans être altéré. La solution : un très gros câble protégeant le cœur de toute perturbation extérieure. (Ne croirait-on pas revivre l'aventure du premier câble téléphonique intercontinental ?)

Pour les ingénieurs système de Bull, ceux envoyés de Paris dont on parle plus avant dans ce texte, les choses n'étaient pas simple non plus."

Un deuxième Gamma 60 !

 

Récompense de tant d’efforts, un deuxième Gamma 60 sera signé en février 1966, et livré 4 mois après, avec en plus 4 imprimantes, 3 lecteurs de bande perforée, 6 dérouleurs et un lecteur de cartes.
Ce deuxième système, reconditionné, provenait d’un autre client. Sa mise en route ne posa aucune difficulté. Il fut installé, avec son propre conditionnement d'air, au rez de chaussée d'
une autre partie du bâtiment.

A ce moment, le Gamma 60 de RTT disposait d’une "GGU" qui donnait satisfaction.

De plus, les imprimantes en place (modèle purement mécanique type série 300) avaient été remplacées par le modèle prévu pour le Gamma 60, lequel bénéficiait d'un système de contrôle de frappe tout à fait inédit.

On restait ainsi dans la philosophie générale du Système : tout contrôler et recontrôler.

 

Le deuxième système permit l’exploitation de nouvelles applications, dont la gestion financière des multiples chantiers menés par la Régie, car à cette époque, à la Régie des Télégraphes et Téléphones, il n’y avait pas de sous-traitance des divers travaux de pose de câbles, installation de boîtiers relais …

 

1968 vit disparaître de l’atelier RTT ses dernières machines mécanographiques.

 

 

Bilan de l’affaire RTT.

 

Cet énorme investissement financier de la filiale belge finira par être largement amorti :

1) grâce au montant de redevance mensuelle de maintenance (au moins 1 million de fr. belges de l’époque, soit environ 80.000 euros au taux an 2004 et en tenant compte de l’augmentation du coût de la vie entre 1964 et 2004), car le prix de revient de la réparation et entretien diminuait avec le temps.

2)  grâce à la qualité des jeunes embauchés, qui se révéleront pour la plupart d’excellents analystes-programmeurs pour les futurs Gamma 30, Gamma10, GE 400 et GE 6000 que Bull GE démarrera en Belgique et au Luxembourg.

3) par le deuxième Gamma 60 signé en février 1966.

4) par la durée exceptionnelle du contrat : 14 ans.(RTT paya le prix de la location du Gamma dès que l’atelier de la rue de l’Abattoir fut opérationnel).

 

 

Fin de l’affaire RTT. 

La fin de l’aventure Gamma 60 à la RTT fut provoquée par le politique : en 1970, un « Contrat de Progrès » lia pour 5 ans le Gouvernement belge aux divisions informatiques des constructeurs Philips et Siemens, leur garantissant 50% du marché public belge contre promesses d'investissements en Belgique.
Le Ministre des Communications de l’époque, Monsieur Anseele, mit en demeure la RTT de commander plusieurs ordinateurs Siemens 4004 en remplacement du Gamma 60. Il ne fut pas question pour Bull de présenter une quelconque offre alternative. Les ordinateurs Siemens furent livrés mais attendirent quelques années avant d’être opérationnels, car la reprise de programmes et fichiers Gamma 60 n’était guère chose aisée. De plus, les systèmes Siemens s’avérèrent incapables de reproduire la formidable capacité d’impression des multiples imprimantes 300 lpm à double entraînement ! Pour cette raison, et aussi à cause de l’augmentation incessante du trafic téléphonique, la Régie devra abandonner la fourniture du détail des communications téléphoniques internationales à ses abonnés. Elle le fit en même temps qu’elle se séparait de ses deux Gamma 60.

 

   

Un mot sur la fin de vie des Gamma 60. 

 

En 1970, les Gamma 60 donnèrent des signes de vétusté. Ainsi sur proposition d'André Moens, l'équipe technique procéda au remplacement des transistors au germanium dans les circuits de sélection de la mémoire centrale  par des modèles au silicium équivalents mais d'une technologie plus récente. Ceci permit d'obtenir un meilleur gain des signaux et évita des "plantages-mémoire" devenus quotidiens !
 

De même, les têtes de lecture des dérouleurs accusaient une usure prononcée. Pour éviter une dépense logistique trop importante, le responsable de l'équipe technique du Gamma 60 obtint de la firme "Diamant Board", filiale de cette société en Belgique, une action de rectification des têtes pour un prix dérisoire comparé au cout de fabrication de pièces neuves. 

Enfin, au niveau des groupes générateurs d'alimentation électrique, le matériel était tellement vétuste que la tension chutait par paliers. Pour éviter l’arrêt système, les techniciens de garde devaient courir au sous-sol pour asséner des coups sur les transformateurs des circuits de régulation afin de retrouver la tension nominale! Comme il n'y avait plus de sous-ensembles disponibles pour effectuer une réparation valable et, pour pouvoir réagir dès la première chute de tension, André Moens. conçut et installa un détecteur de chute de tension avec alarme, ce qui permettait de réagir suffisamment tôt pour pouvoir éviter un « plantage » du système.

L’exploitation sur Gamma 60 cessa définitivement à RTT en septembre 1974.
Ses derniers techniciens rejoignirent leurs collègues des autres lignes de produit.

Il s’agissait de François Thys, « le capitaine », présent depuis le début de la prise en charge de la maintenance du système par Bull Belgique, et de Adrien De Vogelaere, Joseph Hoflyk, Michel Marchal, André Moens, Guy Nollet, Michel Pontegnies, Michel Termolle, Claude Plume.

 

Le 15 septembre 1992, la Régie RTT devenait Belgacom, premier pas vers une privatisation partielle. En 2014, le bel immeuble ex-RTT de la rue de la Paille existait toujours et Belgacom le mettait en vente. Sa façade est restée identique depuis. (La rue de la Paille donne sur la Place du Sablon).

Belgacom rassembla en 2014 tous les services et opérateurs télécom. qu'il avait racheté jusque là pour les présenter sous la marque unique Proximus. Proximus est toujours, en 2018, l'opérateur majeur de la téléphonie en Belgique.
Proximus a suivi l'évolution des opérateurs en téléphonie. Du téléphone fixe à la téléphonie sans fil, en plus les services Internet et télévision digitale via ligne fixe ou Internet. Quant au service télégraphique, il ne disparut totalement que fin 2017.

 

Conclusions.

 

L’histoire du Gamma 60 de la RTT, c’est une belle aventure d’un défi technique.

C’est surtout, comme le soulignait Monsieur Christian Blondeau, une belle aventure humaine :
Malgré les énormes problèmes du début : retard de livraison, hardware livré non testé, manque de logiciels utilitaires, malgré le travail épuisant demandé tant aux équipes de la RTT qu’aux équipes de Bull Paris et Bull Bruxelles, tous les acteurs impliqués s’intéressèrent et collaborèrent à fond au projet.

C’est ainsi que, lorsqu’un Directeur de l’informatique d’un grand groupe financier français passa trois journées à la RTT, il confia ensuite à Monsieur Regout : « Vous n’êtes pas encore au bout de vos peines, mais vous réussirez ! J’en veux pour preuve que quand j’assiste à une réunion de travail à la RTT, je suis incapable de dire, quand quelqu’un parle, s’il s’agit d’une personne du fournisseur ou du client: tout le monde cherche des solutions, et pas des responsabilités à se rejeter ! »

En effet, les équipes avaient fini par se souder à tel point qu’elles formaient un groupe d’amis.

Cet état d’esprit persista par la suite, et Monsieur Blondeau est toujours persuadé que Bull n’aurait pas perdu ce client sans les influences politiques extérieures.


 

[1] numéros de l’appelé, de l’appelant, date et heure de fin de communication, zone de facturation et durée de communication.

[2]estimé en 1962 à 17 millions de lignes de facture

[3] Les unisélecteurs étaient ce qu’on a appelé par la suite des contrôleurs de bande magnétique. Une unité de bande magnétique pouvait débiter à travers l’un ou l’autre des unisélecteurs suivant les besoins.

 

[4] Avec une pareille configuration, il était possible de mener en parallèle trois tris de gros fichiers simultanément.
A propos des tris, il est intéressant de noter qu’une programmation spéciale prévoyait par tri une unité de bande sur laquelle étaient repris à intervalle régulier tous les éléments nécessaires à un point de reprise.

 


 

 

Avec les souvenirs de Hugues Regout, Christian Blondeau et des techniciens André Hanchard, , Robert Spinette, François Thys, Joseph Hoflyk, André Moens, Michel Pontegnies ;
les archives « Contact » de FEBB,

la brochure « Evolution de la Mécanographie à la RTT » émise en 1963 par la Régie, avec la  collaboration de Bull.

 

 

 

P.S. : Tout témoignage susceptible de corriger ou compléter ce texte est bienvenu !

g.natan@skynet.be

25/02/2018 dern. maj

 

 

copyright Bull & G Natan & F. Thys  retour menu histoire